Plic plac flic floc. Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas dit un proverbe chinois. Le premier pas de mon voyage est humide. Qu’on s’entende bien, j’ai toujours su que le ciel provençal avait un léger béguin pour moi, mais je ne l’imaginais pas me faire une telle scène pour mon départ. Samedi 29 novembre, 19h aux horloges dignes de confiance, des cieux éventrés un océan de larmes s’abat sur le sol.
Plic plac flic floc. La tête contre la vitre, je ne lutte pas contre la somnolence.
Plus de plic, plus de plac, quelques flics, plus de floc. 23h à la gare de Lyon. Quelques volées d’escaliers, une station et quelques volées d’escaliers plus tard voilà Châtelet. Je me plante de sortie, les néons des grands magasins m’arrosent, la foule me pousse dans la bonne direction et voilà qu’Hakim me cueille. 10 minutes plus tard, je suis débarrassé du fardeau de mon sac. 10 minutes de plus et je suis au Frog. Encore 10 minutes voilà ce cher vieil alsacien de Fabien, qui tout informaticien qu’il soit reste un type formidable. Viennent encore 10 minutes, je baigne dans un doux mélange de chaleur, de bruit et de promiscuité humaine accompagné des suaves vapeurs de l’aube de l’ivresse.
Plic plac flic floc sortie clope. Les parisiens ne s’ennuient jamais. Dernière en date : voir en une habituée de leur rade une héroïne de N.Rey. Pour la soirée, il s’agira donc de la suivre, si possible discrètement. Cela risque d’être difficile. Il est 1h passée. Sourires vicelards, yeux rouges, moustaches à la bière, barbes à (la tequila) papa(f), rires gras, voix braillardes, élocutions trop rapides pour ne pas paraître forcées. Soyons réalistes, on est plus proches de l’agent 00Get27 (juste pour le jeu de mots, maudits soit les buveurs de menthe poivrée imitation poivrots) que de J.Bond. Et puis voilà qu’il neige. Merci marraine Lutèce pour ce joli cadeau d’adieu. Il est 2h et tombent les blancs flocons sur les noirs pochtrons. Ariane Baker alias la muse éthylique de mes amis est en pleine discussion avec Hakim. Est saoule. Est mannequin dans le roman de N.Rey. Mesure 1m40 dans la réalité. Mais aurait posé pour Vogue Japon. A passé sa soirée à me mettre des coups de tête dans l’épaule, de préférence quand j’avais un verre à la main. Piaille. Jacte. S'égoscille. M’exaspère. Va au "Chacha" car le bar ferme. Prends un taxi pour franchir les 40 mètres de distance. Veut qu’Hakim vienne avec elle. Grand seigneur, il refuse de se séparer de nous.
Plic plac flic floc fuck. Le videur du Chacha ne veut pas nous laisser entrer danser. Ariane Baker file entre les doigts d’Hakim, passablement agacé. On poireaute sous la pluie. La porte de l’immeuble mitoyen à la boîte s’ouvre. On s’y engouffre. Pas résignés pour deux saouls, mes deux alcoolytes cherchent une porte communiquant avec le Chacha. Rien au rez-de-chaussée. Le local à poubelles est prolongé par un boyau qui s’enfonce sous terre. L’expédition spéléologique s’avère inutile, c’est un cul-de-sac. Nous revoici dehors, échafaudant un vague projet de contre-soirée dans le souterrain. Finalement, et après avoir en vain essayé d’embrigader les autres refoulés qui sont pléthores ce soir, direction l’appartement de Fabien et ses quatre, je dis bien quatre colocatrices (colocataire n’ayant pas de féminin, j’ai du user de néologisme par soucis de sens). Pas de taxis disponibles. Sur le chemin, nous rencontrons deux suédoises quasi-trentenaires, 27 et 29 ans pour leur rendre justice. Elles aussi sont à la recherche d’un taxi, ne connaissent pas Paris et habitent à côté de chez Fabien. Elles nous accompagnent, à pied, puis moyennant 10€ en camionnette RATP jusqu’au Boulevard St. Germain. On va boire un coup tous les cinq pour fêter notre arrivée.
Plic plac flic floc flop. Les suédoises sont rentrées chez elles. Nous rentrons également et chemin faisant j’engueule mes copilotes. Instinctivement et sans la moindre concertation nous avions pourtant réussi à nous présenter émergeant d'un rideau de fumée vaporeuse du plus bel effet. Hakim est un auteur parisien romantique ET publié. Fabien vient de terminer ses études, le voilà docteur. Quand à moi, je suis bien évidemment Amédé Parois, le mystérieux aventurier s'envolant le lendemain pour le bout du monde. Concentrés à l'extrême, complètement impliqués dans leurs rôles, ils ont réussi à merveille à rendre crédibles nos divagations éhontées. Parfait, me direz-vous ? Hélas, ils ont oublié en chemin l'essentiel : l'attaque ! J’ai pourtant fait tout mon possible pour faire tourner la conversation autour de l'âges avancés de nos amies du Nord, de leur célibat, de leur absence d’enfant, de la sournoise trentaine qui les guette tapie dans l'ombre, de leur solitude de frêles scandinaves perdues dans la grande ville. Mais mes compères ont malheureusement obstinément refusé de m’emboîter le pas. Dommage. Dans un moment d’extra-lucidité, j’avais même deviné le signe astrologique de l’une des deux, ce qui, théoriquement, rapporte 100 pts. Et tant pis, cela reste une rencontre très sympathique. Force m'est d'ailleurs de reconnaître qu’elles étaient plutôt délurées et que l'on a passé un agréable moment.
Plic plac flic floc. On termine la soirée au Sky sec/clopes humides à la fenêtre, appartement non-fumeur oblige. En récompense à ma soirée, j’obtiens finalement l’aveu de Malika. Après une bataille rangée absolument épique, elle m’accorde un soupçon d’attirance physique pour son père. Mais par Big Blank que ce fut compliqué. Rétrospectivement, je me rends d'ailleurs compte qu'il serait peut-être temps que j'arrête d'engager la conversation avec des inconnues systématiquement sur le thème de leur complexe d'Oedipe.
Plic plac flic floc. Le taximan est mort de rire d’un bout à l’autre du trajet en écoutant notre conversation, dont je ne me rappelle d’ailleurs pas un mot, si ce n’est que l’on s’est copieusement engueulé. Arrivée chez Hakim, il est quelque chose du matin. Leonard Cohen distille quelques touches de poésie dans le 9m2. Armé d'un joint biscornu, j'envoie quelques volutes de fumée valser avec elles. Puis au lit. Réveil à 5h de l’après-midi. Bonne nouvelle, je suis encore à moitié saoul et m’évite ainsi une gueule de bois. Mauvaise nouvelle, Hakim doit être à Clermont-Ferrand le lendemain pour un examen et son dernier train part dans 20 minutes. Adieux hâtifs, et avouons-le, non dénués d'un zeste d'émotion. Je vais passer ma dernière soirée française chez l’ami Jérémy du côté de Créteil. Pas de folies, on l’attend à la Défense le lendemain matin. Avant de me coucher, je fume ma dernière tête de skunk avant fort longtemps en regardant une « enquête exclusive » sur M6 consacrée à la revente de voitures européennes d’occasion en Afrique Noire, histoire de me mettre dans l’ambiance.
Plic plac flic floc. 7h du matin. Il fait jour et je n'ai pas dormi. Sur la baie vitrée du salon, quelques rares gouttes dégoulinent nonchalamment en fines coulures et brouillent le halo des lampadaires en face. A Ouaga, il n’y a que très peu de baies vitrées et de lampadaires, et encore moins de pluie.
samedi 6 décembre 2008
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