Mardi 3 décembre. Il est midi et demi, et en en ayant terminé, cette fois je l’espère pour un bon moment, avec les formalités administratives, j’émerge du minuscule aéroport de Ouagadougou.
Je suis descendu de l’avion avec le soleil dans le dos, et j’ai bien pris garde de ne pas me retourner depuis. Mais là, plus question de se défiler. Les sournois méandres sanitario-douaniers m’ont imposé par petites touches discrètes un revirement à 180°. Me fixant d’un air incroyablement suffisant du haut de son zénith, un énorme soleil africain contemple amusé mon arrivée. La luminosité me fait littéralement vaciller, et il me faut une demi-douzaine de secondes pour arriver à discerner les silhouettes qui me font face. L’une d’elles tient à la main un panneau sur lequel est écrit « Institut Imagine – Harry Vailardier ». Elle affirme répondre au doux nom de Coulibaly et me conduit à un vieux 4x4 pour une traversée de la ville, direction mon futur lieu de travail, qui me tiendra également lieu de créchoir en attendant de me trouver un logement.
Chemin faisant, Coulibaly m’interroge sur mon voyage.
Je n’ai pas vu passé les dernières 24h. A 13h la veille, je suis sorti de l’appartement de l’ami Jérémy et de ses charmants colocataires, abandonnant non sans regret derrière moi une boîte de bonbons en gage de ma gratitude envers mes hôtes. Saleté d’hôtes, saleté de gentillesse et foutues convenances. En plus il restait des crocodiles (il ne s’agissait quand même pas d’une boîte pleine, j’avais bien évidemment mangé tout ce que j’avais pu la veille). Bref, c’est de fort mauvaise humeur que j’arrive crevé à l’aéroport de Roissy, terminal B, après une bonne heure de trajet en commun, dont 20 minutes de métro dans le wagon d’une classe de primaire, et sans que le RER ait eu l’élémentaire courtoisie d’attendre que j’ai grillé ma cigarette pour arriver. Direction l’enregistrement. Le type devant moi a un excédent de bagage. On s’arrange avec l’hôtesse pour faire enregistrer l’un de ses sacs à mon nom. L'affable propriétaire des kilos de trop, un sénégalais d’une trentaine d’années, m’en est reconnaissant. Il m’apprend rapidement qu’il est chef d’entreprise en France, et qu’il envoie quelques affaires, escortées par un de ses employés, à sa famille à Dakar. En remerciement, il passe quelques coups de fil et m’annonce deux bonnes nouvelles. D’abord, je ne dormirai pas dans l’aéroport L.S.Senghor avec mon sac comme oreiller. Il s’est arrangé pour m’obtenir une chambre d’hôtel. Ensuite, sa petite sœur passera me récupérer à mon arrivée pour me faire faire un tour de Dakar. Je suis bien évidemment ravi.
En passant à la douane, j’ai une légère appréhension. Je n’ai pourtant rien embarqué de compromettant mais je viens de réaliser que le fute que je porte a sacrement vécu, et qu’il serait loin d’être impossible que dans l’une de ses nombreuses poches se trouve un quelconque passager clandestin oublié par moi depuis longtemps. Aucune importance, pas de chien et je passe sans être ne serait-ce que palpé. Le seul incident notable est le rire que suscite chez deux jeunes douanières la masse conséquente de choses (clés, tabac, filtres, feuilles à rouler, briquets, passeport, certificat de vaccination, papiers divers et variés, stylos, carte d’embarquement, portable, boîte de médocs…) que j’extraie de mes poches. J’essaye d’arguer que n’étant pas une fille, je ne peux décemment pas me munir d’un sac à main pour y ranger mon foutoir, ce qui ne les convainc guère. En me dirigeant vers la porte d’embarquement, je croise quelques troufions, mitraillettes en mains, qui me rappellent qu’un bagage à mon nom dont j’ignore tout du contenu est probablement en train de passer à son tour à la douane.
Un peu plus de 6h plus tard, me voilà à Dakar. Première sensation de l’Afrique : l’odeur de la mer. Et oui. J’avais complètement oublié que Dakar est une ville côtière. De fait, ma première impression de l’Afrique est que ça sent très exactement comme les Saintes-Maries-de-la-Mer. Le dépaysement arrivera plus tard, lors de ma visite du centre de Dakar. Il fait nuit -il est 23h passée- et je n’ai donc pu avoir une bonne vision de la ville mais j’en ai tout de même vu assez pour avoir l’envie d’y revenir. Il y a un nombre absolument ahurissant de moutons dans les rues, destinés au Tabaski, c'est-à-dire à l’Aïd-El-Kebir qui approche. En passant devant ce qu’elle m’indique comme étant une cité universitaire, je demande à ma guide, sœur de l’entrepreneur rencontré à Orly pour ceux qui auraient oublié, si elle est mixte. Ce à quoi elle me répond que « non, bien évidemment, comme en France ». Dans la mesure où elle m’a fait part de son envie d’envoyer sa fille faire ses études en France, j’évite soigneusement de lui dire qu’il y a eu, depuis 68, quelques changements à ce sujet. Après moult remerciements, me voilà à l’hôtel de l’aéroport (j’ai compris pendant la soirée que mon bienfaiteur d’Orly n’est autre que le petit frère de l’un des responsables dudit aéroport). Attention somme toute inutile, je ne dors toujours pas.
Le lendemain, je prends un nouvel avion, qui je l’apprends à l’embarquement, dessert Bamako (Mali) avant Ouagadougou. Surréaliste. Je me souviens de « La cité de la peur » et du fameux « aéroport de Nice, aéroport de Nice. 10 minutes d’arrêt. ». Je me marre. Ce qui est moins marrant, c’est que cela signifie un décollage et un atterrissage de plus, et les dépressurisations qui vont avec, toujours dangereuses quand on promène un pneumothorax tout juste guéri.
Contemplant le paysage splendide qui apparaît à mon hublot, je griffonne quelques lignes dont voici la transcription.
« A chaque fois c’est pareil. Cela en devient agaçant. Il suffit que je prenne l’avion pour être assailli par des spasmes mystico-spirituels. Cela dit, je ne suis pas le seul. Prenez un mécréant lambda. Arrosez-le de la perspective d’une promenade à 30000 pieds et vous verrez très rapidement fleurir sur ses lèvres des bouquets tressés avec les noms de tous les dieux de la Création, des parterres d’imprécations atterrées et des bosquets de prières silencieuses. Pour ma part, j’ai mon rituel personnel. Comme à chaque fois que je pense mon pronostic vital engagé, je passe un accord unilatéral avec Big Blank, dont voici les termes. Il ne m’arrive rien, et en échange je t’en dois une. Autant dire qu’entre les retours motorisées de soirées inondées, les débauches de mise à contribution festive de la chimie moderne, les transactions effectuées avec des individus douteux dans des lieux improbables, les récurrentes et irrésistibles envies d’escalade inhérentes à la condition de pochtron insomniaque et mon étrange propension à ne chercher la bagarre qu’aux plus forts ou plus nombreux que moi, je suis insolvable depuis fort longtemps. Au grand paradis des imbéciles extatiques illuminés, je serai de corvée de chiottes pour au moins l’éternité. Mais qu’importe puisque ça marche.
Me voilà en plein ciel. On ne conçoit la hauteur qu’en altitude. Et je dois reconnaître que libéré sous conditionnelle (celle de ne jamais redescendre) des lois de l’apesanteur, chevauchant lascivement les cieux, j’ai bien plus de facilité à concevoir la possibilité de l’existence de notre Père qui y est. Surtout, voilà que je commence à lui trouver des excuses. Foutre, que la Terre est belle vue de Dieu. Plus de gargouillement de ventre, plus de craquement d’articulation, plus d’odeur de pieds, plus de dégoulinement de sudation. On ne discerne pas les gorges qui râlent, les membres que l’on brise, les doigts qui se crispent, les entrailles qu’on pourfend, les yeux qui supplient, les tripes qu’on disperse. Rien que les mouvements amples et colorés du monde qui se déploie. Au sol, on croit apercevoir le divin dans le ciel, et à peine envolé, on constate qu’il en a fait de même, et nous voilà scrutant la terre où il vient de se poser. »
Comme j’ai la gorge sèche, je décide d’épargner ces détails à Coulibaly, me contentant d’un plus sobre « très bien, juste un peu fatigué ». C’est là un mensonge éhonté. En réalité, je suis à la fois exténué et surexcité. Les yeux grands ouverts, les cheveux dans le vent qui s’engouffre par la fenêtre, je savoure. Les nuées de motos qui vrombissent autour de nous. Les couleurs pastels qui ornent la façade des bâtiments. La fierté dans le regard des passants qui me dévisagent. Et la poussière ocre qui macule absolument tout. Nous quittons le centre-ville et les bâtiments cèdent la place aux minuscules échoppes et aux petits baraquements. Imagine est situé dans un quartier populaire en périphérie. Ilot de richesse occidentalisé au milieu d’un océan de pauvreté. La chambre à laquelle on me conduit dispose d’une télé, d’une clim, d’un ventilo, et de sanitaires. Pas vraiment ce à quoi je m’attendais. A l’extérieur, par la fenêtre, je peux voir passer une petite vendeuse de fruits, un plateau d’orange sur la tête, marchant à pas lents et mesurés dans la chaleur étouffante de l’après-midi, sur une route de terre défoncée.
Je suis à Ouaga. Ouaga la rouge.
mercredi 17 décembre 2008
samedi 6 décembre 2008
Dernières nuits françaises
Plic plac flic floc. Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas dit un proverbe chinois. Le premier pas de mon voyage est humide. Qu’on s’entende bien, j’ai toujours su que le ciel provençal avait un léger béguin pour moi, mais je ne l’imaginais pas me faire une telle scène pour mon départ. Samedi 29 novembre, 19h aux horloges dignes de confiance, des cieux éventrés un océan de larmes s’abat sur le sol.
Plic plac flic floc. La tête contre la vitre, je ne lutte pas contre la somnolence.
Plus de plic, plus de plac, quelques flics, plus de floc. 23h à la gare de Lyon. Quelques volées d’escaliers, une station et quelques volées d’escaliers plus tard voilà Châtelet. Je me plante de sortie, les néons des grands magasins m’arrosent, la foule me pousse dans la bonne direction et voilà qu’Hakim me cueille. 10 minutes plus tard, je suis débarrassé du fardeau de mon sac. 10 minutes de plus et je suis au Frog. Encore 10 minutes voilà ce cher vieil alsacien de Fabien, qui tout informaticien qu’il soit reste un type formidable. Viennent encore 10 minutes, je baigne dans un doux mélange de chaleur, de bruit et de promiscuité humaine accompagné des suaves vapeurs de l’aube de l’ivresse.
Plic plac flic floc sortie clope. Les parisiens ne s’ennuient jamais. Dernière en date : voir en une habituée de leur rade une héroïne de N.Rey. Pour la soirée, il s’agira donc de la suivre, si possible discrètement. Cela risque d’être difficile. Il est 1h passée. Sourires vicelards, yeux rouges, moustaches à la bière, barbes à (la tequila) papa(f), rires gras, voix braillardes, élocutions trop rapides pour ne pas paraître forcées. Soyons réalistes, on est plus proches de l’agent 00Get27 (juste pour le jeu de mots, maudits soit les buveurs de menthe poivrée imitation poivrots) que de J.Bond. Et puis voilà qu’il neige. Merci marraine Lutèce pour ce joli cadeau d’adieu. Il est 2h et tombent les blancs flocons sur les noirs pochtrons. Ariane Baker alias la muse éthylique de mes amis est en pleine discussion avec Hakim. Est saoule. Est mannequin dans le roman de N.Rey. Mesure 1m40 dans la réalité. Mais aurait posé pour Vogue Japon. A passé sa soirée à me mettre des coups de tête dans l’épaule, de préférence quand j’avais un verre à la main. Piaille. Jacte. S'égoscille. M’exaspère. Va au "Chacha" car le bar ferme. Prends un taxi pour franchir les 40 mètres de distance. Veut qu’Hakim vienne avec elle. Grand seigneur, il refuse de se séparer de nous.
Plic plac flic floc fuck. Le videur du Chacha ne veut pas nous laisser entrer danser. Ariane Baker file entre les doigts d’Hakim, passablement agacé. On poireaute sous la pluie. La porte de l’immeuble mitoyen à la boîte s’ouvre. On s’y engouffre. Pas résignés pour deux saouls, mes deux alcoolytes cherchent une porte communiquant avec le Chacha. Rien au rez-de-chaussée. Le local à poubelles est prolongé par un boyau qui s’enfonce sous terre. L’expédition spéléologique s’avère inutile, c’est un cul-de-sac. Nous revoici dehors, échafaudant un vague projet de contre-soirée dans le souterrain. Finalement, et après avoir en vain essayé d’embrigader les autres refoulés qui sont pléthores ce soir, direction l’appartement de Fabien et ses quatre, je dis bien quatre colocatrices (colocataire n’ayant pas de féminin, j’ai du user de néologisme par soucis de sens). Pas de taxis disponibles. Sur le chemin, nous rencontrons deux suédoises quasi-trentenaires, 27 et 29 ans pour leur rendre justice. Elles aussi sont à la recherche d’un taxi, ne connaissent pas Paris et habitent à côté de chez Fabien. Elles nous accompagnent, à pied, puis moyennant 10€ en camionnette RATP jusqu’au Boulevard St. Germain. On va boire un coup tous les cinq pour fêter notre arrivée.
Plic plac flic floc flop. Les suédoises sont rentrées chez elles. Nous rentrons également et chemin faisant j’engueule mes copilotes. Instinctivement et sans la moindre concertation nous avions pourtant réussi à nous présenter émergeant d'un rideau de fumée vaporeuse du plus bel effet. Hakim est un auteur parisien romantique ET publié. Fabien vient de terminer ses études, le voilà docteur. Quand à moi, je suis bien évidemment Amédé Parois, le mystérieux aventurier s'envolant le lendemain pour le bout du monde. Concentrés à l'extrême, complètement impliqués dans leurs rôles, ils ont réussi à merveille à rendre crédibles nos divagations éhontées. Parfait, me direz-vous ? Hélas, ils ont oublié en chemin l'essentiel : l'attaque ! J’ai pourtant fait tout mon possible pour faire tourner la conversation autour de l'âges avancés de nos amies du Nord, de leur célibat, de leur absence d’enfant, de la sournoise trentaine qui les guette tapie dans l'ombre, de leur solitude de frêles scandinaves perdues dans la grande ville. Mais mes compères ont malheureusement obstinément refusé de m’emboîter le pas. Dommage. Dans un moment d’extra-lucidité, j’avais même deviné le signe astrologique de l’une des deux, ce qui, théoriquement, rapporte 100 pts. Et tant pis, cela reste une rencontre très sympathique. Force m'est d'ailleurs de reconnaître qu’elles étaient plutôt délurées et que l'on a passé un agréable moment.
Plic plac flic floc. On termine la soirée au Sky sec/clopes humides à la fenêtre, appartement non-fumeur oblige. En récompense à ma soirée, j’obtiens finalement l’aveu de Malika. Après une bataille rangée absolument épique, elle m’accorde un soupçon d’attirance physique pour son père. Mais par Big Blank que ce fut compliqué. Rétrospectivement, je me rends d'ailleurs compte qu'il serait peut-être temps que j'arrête d'engager la conversation avec des inconnues systématiquement sur le thème de leur complexe d'Oedipe.
Plic plac flic floc. Le taximan est mort de rire d’un bout à l’autre du trajet en écoutant notre conversation, dont je ne me rappelle d’ailleurs pas un mot, si ce n’est que l’on s’est copieusement engueulé. Arrivée chez Hakim, il est quelque chose du matin. Leonard Cohen distille quelques touches de poésie dans le 9m2. Armé d'un joint biscornu, j'envoie quelques volutes de fumée valser avec elles. Puis au lit. Réveil à 5h de l’après-midi. Bonne nouvelle, je suis encore à moitié saoul et m’évite ainsi une gueule de bois. Mauvaise nouvelle, Hakim doit être à Clermont-Ferrand le lendemain pour un examen et son dernier train part dans 20 minutes. Adieux hâtifs, et avouons-le, non dénués d'un zeste d'émotion. Je vais passer ma dernière soirée française chez l’ami Jérémy du côté de Créteil. Pas de folies, on l’attend à la Défense le lendemain matin. Avant de me coucher, je fume ma dernière tête de skunk avant fort longtemps en regardant une « enquête exclusive » sur M6 consacrée à la revente de voitures européennes d’occasion en Afrique Noire, histoire de me mettre dans l’ambiance.
Plic plac flic floc. 7h du matin. Il fait jour et je n'ai pas dormi. Sur la baie vitrée du salon, quelques rares gouttes dégoulinent nonchalamment en fines coulures et brouillent le halo des lampadaires en face. A Ouaga, il n’y a que très peu de baies vitrées et de lampadaires, et encore moins de pluie.
Plic plac flic floc. La tête contre la vitre, je ne lutte pas contre la somnolence.
Plus de plic, plus de plac, quelques flics, plus de floc. 23h à la gare de Lyon. Quelques volées d’escaliers, une station et quelques volées d’escaliers plus tard voilà Châtelet. Je me plante de sortie, les néons des grands magasins m’arrosent, la foule me pousse dans la bonne direction et voilà qu’Hakim me cueille. 10 minutes plus tard, je suis débarrassé du fardeau de mon sac. 10 minutes de plus et je suis au Frog. Encore 10 minutes voilà ce cher vieil alsacien de Fabien, qui tout informaticien qu’il soit reste un type formidable. Viennent encore 10 minutes, je baigne dans un doux mélange de chaleur, de bruit et de promiscuité humaine accompagné des suaves vapeurs de l’aube de l’ivresse.
Plic plac flic floc sortie clope. Les parisiens ne s’ennuient jamais. Dernière en date : voir en une habituée de leur rade une héroïne de N.Rey. Pour la soirée, il s’agira donc de la suivre, si possible discrètement. Cela risque d’être difficile. Il est 1h passée. Sourires vicelards, yeux rouges, moustaches à la bière, barbes à (la tequila) papa(f), rires gras, voix braillardes, élocutions trop rapides pour ne pas paraître forcées. Soyons réalistes, on est plus proches de l’agent 00Get27 (juste pour le jeu de mots, maudits soit les buveurs de menthe poivrée imitation poivrots) que de J.Bond. Et puis voilà qu’il neige. Merci marraine Lutèce pour ce joli cadeau d’adieu. Il est 2h et tombent les blancs flocons sur les noirs pochtrons. Ariane Baker alias la muse éthylique de mes amis est en pleine discussion avec Hakim. Est saoule. Est mannequin dans le roman de N.Rey. Mesure 1m40 dans la réalité. Mais aurait posé pour Vogue Japon. A passé sa soirée à me mettre des coups de tête dans l’épaule, de préférence quand j’avais un verre à la main. Piaille. Jacte. S'égoscille. M’exaspère. Va au "Chacha" car le bar ferme. Prends un taxi pour franchir les 40 mètres de distance. Veut qu’Hakim vienne avec elle. Grand seigneur, il refuse de se séparer de nous.
Plic plac flic floc fuck. Le videur du Chacha ne veut pas nous laisser entrer danser. Ariane Baker file entre les doigts d’Hakim, passablement agacé. On poireaute sous la pluie. La porte de l’immeuble mitoyen à la boîte s’ouvre. On s’y engouffre. Pas résignés pour deux saouls, mes deux alcoolytes cherchent une porte communiquant avec le Chacha. Rien au rez-de-chaussée. Le local à poubelles est prolongé par un boyau qui s’enfonce sous terre. L’expédition spéléologique s’avère inutile, c’est un cul-de-sac. Nous revoici dehors, échafaudant un vague projet de contre-soirée dans le souterrain. Finalement, et après avoir en vain essayé d’embrigader les autres refoulés qui sont pléthores ce soir, direction l’appartement de Fabien et ses quatre, je dis bien quatre colocatrices (colocataire n’ayant pas de féminin, j’ai du user de néologisme par soucis de sens). Pas de taxis disponibles. Sur le chemin, nous rencontrons deux suédoises quasi-trentenaires, 27 et 29 ans pour leur rendre justice. Elles aussi sont à la recherche d’un taxi, ne connaissent pas Paris et habitent à côté de chez Fabien. Elles nous accompagnent, à pied, puis moyennant 10€ en camionnette RATP jusqu’au Boulevard St. Germain. On va boire un coup tous les cinq pour fêter notre arrivée.
Plic plac flic floc flop. Les suédoises sont rentrées chez elles. Nous rentrons également et chemin faisant j’engueule mes copilotes. Instinctivement et sans la moindre concertation nous avions pourtant réussi à nous présenter émergeant d'un rideau de fumée vaporeuse du plus bel effet. Hakim est un auteur parisien romantique ET publié. Fabien vient de terminer ses études, le voilà docteur. Quand à moi, je suis bien évidemment Amédé Parois, le mystérieux aventurier s'envolant le lendemain pour le bout du monde. Concentrés à l'extrême, complètement impliqués dans leurs rôles, ils ont réussi à merveille à rendre crédibles nos divagations éhontées. Parfait, me direz-vous ? Hélas, ils ont oublié en chemin l'essentiel : l'attaque ! J’ai pourtant fait tout mon possible pour faire tourner la conversation autour de l'âges avancés de nos amies du Nord, de leur célibat, de leur absence d’enfant, de la sournoise trentaine qui les guette tapie dans l'ombre, de leur solitude de frêles scandinaves perdues dans la grande ville. Mais mes compères ont malheureusement obstinément refusé de m’emboîter le pas. Dommage. Dans un moment d’extra-lucidité, j’avais même deviné le signe astrologique de l’une des deux, ce qui, théoriquement, rapporte 100 pts. Et tant pis, cela reste une rencontre très sympathique. Force m'est d'ailleurs de reconnaître qu’elles étaient plutôt délurées et que l'on a passé un agréable moment.
Plic plac flic floc. On termine la soirée au Sky sec/clopes humides à la fenêtre, appartement non-fumeur oblige. En récompense à ma soirée, j’obtiens finalement l’aveu de Malika. Après une bataille rangée absolument épique, elle m’accorde un soupçon d’attirance physique pour son père. Mais par Big Blank que ce fut compliqué. Rétrospectivement, je me rends d'ailleurs compte qu'il serait peut-être temps que j'arrête d'engager la conversation avec des inconnues systématiquement sur le thème de leur complexe d'Oedipe.
Plic plac flic floc. Le taximan est mort de rire d’un bout à l’autre du trajet en écoutant notre conversation, dont je ne me rappelle d’ailleurs pas un mot, si ce n’est que l’on s’est copieusement engueulé. Arrivée chez Hakim, il est quelque chose du matin. Leonard Cohen distille quelques touches de poésie dans le 9m2. Armé d'un joint biscornu, j'envoie quelques volutes de fumée valser avec elles. Puis au lit. Réveil à 5h de l’après-midi. Bonne nouvelle, je suis encore à moitié saoul et m’évite ainsi une gueule de bois. Mauvaise nouvelle, Hakim doit être à Clermont-Ferrand le lendemain pour un examen et son dernier train part dans 20 minutes. Adieux hâtifs, et avouons-le, non dénués d'un zeste d'émotion. Je vais passer ma dernière soirée française chez l’ami Jérémy du côté de Créteil. Pas de folies, on l’attend à la Défense le lendemain matin. Avant de me coucher, je fume ma dernière tête de skunk avant fort longtemps en regardant une « enquête exclusive » sur M6 consacrée à la revente de voitures européennes d’occasion en Afrique Noire, histoire de me mettre dans l’ambiance.
Plic plac flic floc. 7h du matin. Il fait jour et je n'ai pas dormi. Sur la baie vitrée du salon, quelques rares gouttes dégoulinent nonchalamment en fines coulures et brouillent le halo des lampadaires en face. A Ouaga, il n’y a que très peu de baies vitrées et de lampadaires, et encore moins de pluie.
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