vendredi 27 février 2009

Au Burkina

Au Burkina,
les bières font 65cl et coûtent de 600 à 800 Francs CFA suivant la marque (Flag, Castel, Brakina, Sobebra entre autres).
Au Burkina,
tu te prends des cuites à la bière. D'abord parce qu'avec la chaleur, c'est possible. Ensuite parce que dans la plupart des rades il n'y a que ça. Et puis parce que ça te permet de passer ta soirée aux chiottes et donc de te faire plein d'amis, et après tout c'est bien pour ça que tu es venu. Enfin parce que la gueule de bois au pastis, quand tu émerge sur les coups de 10h par 35°, que tu nage littéralement dans ta sueur et que tu réalise que l'on a profité de ton sommeil pour remplacer ta gorge par du papier de verre, franchement, tu prends rapidement l'habitude d'éviter, autant que possible.

Au Burkina,
parfois, quand tu vas te coucher un peu beurré, tu te poses des questions existentielles d'un genre très particulier. Par exemple : "Foutre Dieu, ce ventilateur a le grand mérite de me dispenser une fraîcheur pour la moins bienvenue. Cela je l'admets et le concède bien volontiers. Toutefois, ne soyons pas naïfs. A en juger par le vacarme infernal et la trajectoire chaloupée de ses pales, il n'a clairement jamais été aussi proche de se décrocher. Admettons que cela se produise à l'aube, en pleine crise de priapisme. Comment m'assurer d'être à cet instant couché dans une position m'assurant d'échapper à l'émasculation ?"
Au Burkina,
parfois, le soir, tu as du mal à t'endormir.

Au Burkina,
tout est cassé. Ou presque. Les routes, les immeubles, les maisons, les bagnoles, les motos, les gens, les bêtes. La pédale de ton vélo est cassée. Le regard de l'enfant des rues qui agite sans conviction sa timbale ébréchée sous ton nez est cassé. La patte de la chèvre des voisins est cassée. L'incisive droite du type qui te sourit en passant est cassée. Le feu rouge au carrefour voisin est cassé.
Au Burkina,
on répare tout. Ou presque.

Au Burkina,
la musique est rétro à mort. Du genre. Tu es affalé sur ta chaise en inox. Inondé de bière et de mauvaise musique ivoirienne. Fumant une autre mauvaise cigarette. Les yeux au vent. L’esprit vagabondant sur des terres inconnues. Dépaysé. Pas seulement géographiquement. Etranger à ton corps. Existant par intermittences, seulement là où ton regard se pose. Evitant subtilement les tessons de bouteilles parsemant les murs de l’enceinte du maquis. Se glissant dans les corsages de jeunes filles même plus jolies se déhanchant sur la piste. Louvoyant aux bords du goulot d’une bouteille de bière vide sans naturellement oser t’y jeter. Espérant secrètement que l’un d’entre nous sonne l’heure de la retraite sans avoir le courage de l’être. Arpentant des hectares de chair mélanoderme à la recherche d’une épiphanie. Et soudain. Sans prévenir. Telle la plus abjecte des éjaculations. Foutre Dieu mes chers loupiots, me croirez-vous ? Céline Dion, j’irais chercher ton cœur. Tu paniques. Songe à plonger. Dans le feu. Dans les flammes. T’enfuir. Merde. Tu n’as pas fuis l’Occident jusque dans ce rade miteux pour t’entendre parler québécois. Dans un accès de folie, tu demandes l’asile politique à la Moldavie. Mal t’en prend. Arrive Dragostea Din Tei. Tu hurles à la conspiration. T’insurges contre ces mesures crypto-nazies. Appelles J. Jaurès, Rosa L. et autres Malcolm X. à la rescousse. Rien n’y fait. Souffrant toutes les géhennes du monde, passées et à venir, tu t’enfuis.
Au Burkina,
il n’y a pas dire, la mondialisation, c’est vraiment de la merde.

Au Burkina,
tu manges avec les doigts. La plupart du temps de la main droite. Sauf quand tu es de sale humeur et que as envie de faire chier ton monde en affichant ostensiblement le fait que toi, tu n'es pas superstitieux, et qu'aujourd'hui, en bon jeune imbécile, tu as la ferme intention de heurter les sensibilités et croyances de tout un chacun.
Au Burkina,
tu te rends vite compte qu'étrangement tu as beaucoup moins souvent les mains fourrées dans ton caleçon.

Au Burkina,
tu propose toujours de partager ce que tu manges. C'est d'ailleurs souvent le cas en France aussi. Seulement ici, les gens n'ont que rarement l'élémentaire courtoisie de décliner ton invitation. C'est d'ailleurs ce qui est pesant. La plupart du temps, les gens pensent ce qu'ils disent. Quand on te demande comment ça va, ou comment s'est passée ta journée, on attend de toi une vraie réponse et pas un vague "ça va merci". Et il faut se méfier car quand tu demandes à quelqu'un comment il va, il peut se sentir le droit de répondre par la négative, en toute franchise et sans le moindre respect de l'aseptisation sociale par l'hypocrisie et la politesse surfaite. Une agressivité parfois à la limite du supportable.
Au Burkina,
tu te retrouve forcé de réapprendre une dimension des relations humaines que l'on t'avait pourtant soigneusement fait oublier.

Au Burkina,
entre deux crises de réminiscence par la voie maïeutique, tu te fais aux traditions étranges des autochtones. Les abonnements téléphoniques n'existent pas pour les portables. On ne trouve que des cartes prépayées. Idem pour mon compteur d'électricité. Il existe des compteurs permettant une facturation au mois, mais pour le mien, il faut acheter une recharge et composer un code pour le créditer. Et comme les magasins vendant ces précieux sésames sont fermés le week-end, il vaut mieux disposer en permanence d'une recharge d'avance. Dans les bars, tu payes tes consommations au moment où tu passes ta commande.
Au Burkina,
on se méfie des pauvres.

Au Burkina,
il n'y a pas de grandes surfaces, à peu d'exceptions près. A Ouaga, tu trouves un supermarché, Karina Market, dont les prix prohibitifs n'en permettent l'accès qu'aux blancs et à l'élite africaine, ainsi que quelques rares grands magasins, tous situés en centre-ville. Les commerces se situent pour l'essentiel dans les centaines de petites épiceries, et bien évidemment sur les nombreux marchés. Mais il y a surtout un nombre absolument ahurissant de vendeurs ambulants qui sillonnent la ville à pied, voire à vélo, encombrés des chargements les plus divers. Tu trouves des marchands ambulants de cigarettes, de fruits, de mouchoirs, d'unités téléphoniques, mais aussi de chaussures, de vêtements, d'allume-gaz, de rideaux, de balais et ainsi de suite. C'est bien simple, pour équiper un appartement, tu peux utiliser une technique extrêmement simple. Elle consiste à t'asseoir en terrasse au Cristal Rouge à l'heure du retour des marchands ambulants du centre-ville, et à demander à Yama ou à un(e) autre burkinabè, au pire à Abdeslam, de négocier ce qu'il te faut quand passe le vendeur approprié (bien souvent les prix grimpent si tu n'es, comme Abdeslam, pas burkinabé, et explosent bien sûr, si en plus de ne pas être du pays, il te prends l'idée incongrue d'être blanc). Tu peux ainsi acquérir entre autre de la vaisselle, des éponges, des seaux, des draps, des tapis sans même avoir à décoller tes fesses de ta chaise.
Au Burkina, si tu ne vas pas au supermarché, ses rayons parviennent jusqu'à toi.

Au Burkina,
l'antonomase est la règle. Tu ne bois pas de thé et encore moins de café, mais un lipton ou un nescafé. Même si le thé en question est de la marque Dinah, et le café un Carte Noir. Cela dit, il n'y pas de Carte Noire. Tu ne trouves pas de mouchoirs mais les marchands ambulants te proposeront certainement des lotus. Et vlan, dans les dents de Kleenex. Vous vous lavez avec du savon, ici tu n'utilises que du saintex. Le vélo devient souvent un peugeot.
Au Burkina,
les multinationales baignent en plein rêve.

Au Burkina,
n’importe quel concert est un happening. Tu n’y verras jamais un artiste encourager le public à se lever, à marquer la cadence en frappant des mains, à se lever ou à danser. Pour une excellente raison : en règle général, l’artiste en question est trop occupé à beugler pour chanter plus fort que le public et slalomer entre ceux ayant décidé unilatéralement d’envahir la scène. Ne parlons pas des artistes commettant l’erreur d’essayer d’engager la conversation avec l’assistance, transformant ainsi la salle en Ecclésia improvisée à en faire rougir la Pnyx. Tu comprends mieux pourquoi Alfred Jarry disait « Je ne comprends pas qu'on laisse entrer les spectateurs des six premiers rangs avec des instruments de musique. ». Il n’y en a effectivement nul besoin. Le véritable spectacle n’est que rarement sur scène. Et lorsqu’au beau milieu du bordel le plus complet, sur celle-ci, s’amène le représentant de l’entreprise sponsor du concert pour y faire un discours promotionnel, tu comprends tout le sens de la notion de bronca.
Au Burkina, les multinationales feraient quand même mieux de se méfier. Sait-on jamais…

lundi 2 février 2009

Les africains

C'est bien connu. Des esprits bien pensants vous diront certainement le contraire, mais moi qui suis allé constater les choses de visu, je peux vous le dire franchement.
Les africains sont des fainéants.
Prenez Abdeslam et Yama par exemple. Pour peu qu'ils n'aient pas à refaire les stocks, ils ouvrent le Cristal Rouge à 10 heures. Et comme ils travaillent sept jours par semaine, cela fait donc autant de grasses matinées. Et dès 23 heures, ils peuvent commencer à refuser les nouveaux clients. Bien souvent, ils ont achevé de fermer le restaurant avant 1 heure du matin, ce qui leur laisse au bas mot 8 heures de sommeil. Pas de quoi se plaindre me diriez-vous ? Et bien sachez que parfois, quand vous vous y pointez aux alentours de 4 ou 5 heures de l'après-midi, dans la période creuse où le client se fait rare, vous les trouvez allongés à même le sol dans l'arrière-boutique, en train de dormir à poings fermés. Epuisés par des journées de 13 heures ! On croirait rêver. Et même si ceux-là sont des privilégiés, et que la plupart des autres ont des horaires un tant soit peu plus contraignants, on ne m'enlèvera pas de l'idée que les africains sont des fainéants.
Les africains sont des incompétents.
Prenez ces fillettes qui font du marchandage ambulant par exemple. Croyez moi elles n'ont pas fait HEC ni même une vulgaire sup de co. Aucun effort de présentation du produit ! Les fruits sont posés à même le plateau, sans aucun artifice. Pas de paillette, pas d'ornement en plastique, pas même un slogan accrocheur. Aucun effort de présentation de la vendeuse ! Pas de tenue sexy, pas de rouge à lèvre aguicheur. Des haillons et la poussière comme unique maquillage. Et ne parlons même pas de l'attitude ! Un bon vendeur apparaît confiant, sûr de lui. Il vous fait véritablement une fleur en acceptant de bien vouloir vous céder ses produits. Et pour vous convaincre de cela, il a à sa disposition le baratin d'usage. Ces filles ont l'air d'avoir peur que vous n'achetiez pas leur marchandise. Si ce n'est leurs yeux qui supplient, elles sont complètement inexpressives. A les voir, on croirait vraiment que leur repas du jour dépend de votre bon vouloir. Absolument aucune notion de merchandising ! Et même si d'autres vendeurs ont parfois un peu plus d'emphase, on ne m'enlèvera pas de l'idée que les africains sont des incompétents.
Les africains sont des imbéciles.
Prenez tous ces ignorants qui viennent me demander des éclaircissements sur la crise financière par exemple. Quand je leur parle flux de capitaux, dévalorisation des titres, bulle spéculative ou crise de l'investissement, si vous saviez le temps qu'il leur faut pour me comprendre ! Et une fois que c'est le cas, ils sont toujours à côté de la plaque. Ils me demandent pourquoi un changement de chiffre sur un écran d'ordinateur provoque la hausse du prix d'un sac de riz. Ils me demandent pourquoi alors que les facteurs de productions sont inchangés la production s'effondre (évidemment pas en ces termes). Ils me demandent pourquoi la faillite d'une banque américaine réduit le produit de leurs exportations de coton à peau de chagrin. Ils me demandent pourquoi on appelle récession une baisse de 0,3% du PIB, arguant que produire 0,3% de moins que l'année précédente, c'est toujours produire 99,7% de plus que ce que l'on avait au début de l'année. Ils me demandent pourquoi quand l'Occident grimace, l'Afrique hurle. Aucune notion de l'interdépendance des marchés ni des liens entre flux financiers et économie réelle. Et même si la plupart d'entre eux intègrent très vite ce que je leur explique, on ne m'enlèvera pas de l'idée que les africains sont des imbéciles.
Les africains sont des égoïstes.
Prenez ces éplorés qui regardent les images de la guerre à Gaza par exemple. Bien sûr, ils sont choqués. Abasourdis par la violence des reportages. Ils sont volontiers prêts à s'insurger contre le massacre d'innocents, peu importe le bord d'ailleurs. Mais est-ce vous pensez qu'il leur viendrait à l'idée d'organiser une manifestation appelant à la cessation des combats ? Croyez-vous qu'ils organiseraient une collecte en faveur des populations civiles touchées ? Et quand on leur explique que les gazaouis vivent dans des conditions terribles, manque de nourriture, manque d'essence, manque d'eau potable, écoles fermées, savez-vous ce qu'ils répondent ? Qu'au Burkina-Faso, les gens crèvent de faim, des maladies liées à l'insalubrité de l'eau, que les écoles, même les rares publiques, sont hors de prix, et ce depuis plus de vingt ans. Et que les convois humanitaires bloqués à la frontière palestinienne n'ont qu'à venir ici, où ils seraient bien reçus. On a beau leur expliquer qu'il n'y a pas de gradation à faire devant l'horreur, que les centaines de victimes des affrontements des dernières semaines valent autant que les 20000 personnes qui meurt de faim chaque jour dans le monde, et leur exposer toute la mesquinerie de leur jugement, rien n'y fait. Même quand on leur parle du sort des journalistes privés de couverture directe du conflit, ils répondent qu'ils feraient bien de venir faire un tour par ici, pour décrire les conditions de vie sans le poids de la censure de la dictature burkinabé. Et même si leurs accents d'indigation face à la boucherie sonnent juste, on ne m'enlèvera pas de l'idée que les africains sont des égoïstes.
Les africains sont des assistés.
Prenez ces hordes d'enfants des rues qui grouillent littéralement dans toute la ville par exemple. L'immense majorité d'entre eux sont des orphelins, dont les parents ont souvent été victimes soit du SIDA, soit de la famine. Quoi qu'il en soit, on peut se dire que eux n'ont pas été éduqués dans une logique de dépendance. On pourrait donc penser qu'ils sauraient choisir une autre voie que celle de l'assistanat. Et bien détrompez-vous. Tous des mendiants ! Alors qu'ils ont 7, 8 parfois même 10 ans. C'est-à-dire l'âge de travailler. Evidemment le taux de chômage dépasse les 25% à Ouaga. Mais du travail, il y en a, pour qui veut bien s'en donner la peine. Les mines d'or du Nord du pays sont particulièrement friandes d'enfants, dont la petite taille est adaptée au travail dans les étroits boyaux. Certes, les conditions de travail sont particulièrement dures, la sécurité inexistante et l'espérance de vie d'un mineur extrêmement courte. Mais quoi, dans ce monde on a rien sans rien ! Mais non, ces profiteurs préfèrent demander l'aumône. Et ils en sont encouragés par les adultes, qui ne rechignent presque jamais à leur tendre une pièce chèrement gagnée. Et même si le premier milliardaire du Burkina Faso est un ancien mendiant, on ne m'enlèvera pas de l'idée que les africains sont des assistés.
Les africains sont de grands enfants.
Prenez Abdeslam par exemple. Marié à 19 ans, père à 21. Certes il s'est exilé pour subvenir aux besoins de sa petite famille. Mais il a fallu qu'il demande à être payé une fois par an pour être sûr de ne pas être tenté de tout dépenser mois après mois pour son propre plaisir. Il a 25 ans et il pense encore à faire la fête. Aucun sens des responsabilités. D'ailleurs ici, tout le monde a l'air très jeune. On me dit qu'à cause des carences alimentaires et des maladies non traitées, les gens n'ont pas le loisir de connaître une croissance adéquate. Du coup les trentenaires ont l'air de tout juste sortir de l'adolescence. Pour accroître l'illusion, ici il n'y pas de vieillards. Evidemment c'est essentiellement parce que l'espérence de vie moyenne peine à dépasser les 40 ans. Et ils se plaignent. Alors qu'à l'ère du jeunisme, ils ont pris une longueur d'avance ! Et même si nombre de gamins ici ont déjà la peur de la mort dans les yeux, on ne m'enlèvera pas de l'idée que les africains sont de grands enfants.
Les africains sont des ingrats.
Prenez tous ces étudiants qui critiquent la France par exemple. La France a apporté la civilisation aux burkinabés. En les déportant massivement vers les plantations ivoiriennes au début du siècle, elle leur a permis de mettre à contribution leurs talents d'agriculteurs. En les embrigadant de force dans les troupes françaises durant les deux guerres mondiales (les burkinabés ont constitué le gros des troupes des tirailleurs dits sénégalais), elle leur a donné la chance de voyager, et de donner leur sang pour la gloire de la France. En empêchant le Burkina Faso de former un vaste ensemble avec le Sénégal, le Bénin, le Mali, le Niger, la Mauritanie et la Côte d'Ivoire lors de l'accession à l'indépendance, elle leur a permis de disposer de leur propre pays. Certes enclavé, certes au mépris de la localisation des peuples, certes ne disposant de presque aucune ressouce naturelle et d'aucun poids politique à l'échelle internationale, mais un pays quand même. En les débarassant de Thomas Sankara, le "Che africain", elle les a empêché de basculer dans l'horreur marxiste. En soutenant sans réserve depuis 21 ans le régime de Blaise Compaoré, elle leur a permis de vivre sous un régime autoritaire et paternaliste, adapté à leur nature primaire. Certes, l'empire Mossi qui préexistait n'avait lui rien d'une dictature, laissait une large part à la démocratie locale et disposait d'une Cour Constitutionnelle. Mais la France leur a apporté la République, certes une République dictatoriale, mais la République quand même. Et même si avec la civilisation, elle a amené la famine et le paludisme et bien que les français soient toujours très bien accueillis ici, on ne m'enlèvera pas de l'idée que les africains sont des ingrats.
Les africains sont des sauvages.
Prenez ce qui ressort des conversations politiques par exemple. Depuis 1987 et l'assassinat de Thomas Sankara, le président est Blaise Compaoré. Certes commanditaire du meutre. Mais plus de vingt ans de concorde civile et de stabilité politique, sur le continent africain, c'est plutôt de l'ordre de l'exception. Pensez-vous qu'ils en seraient reconnaissants ? Rien du tout ! Ils expliquent que durant cette période, la seule chose qui se soit développée, c'est le compte en banque de leurs dirigeants, et que le niveau de vie dans les années 80 était plus élevé qu'aujourd'hui. Ils en viennent même à regretter Sankara, cet excité qui prônait la répartition des richesses et l'abolition du pouvoir féodal. Ce réctionnaire prétendument révolutionnaire qui prônait l'autosuffisance alimentaire par le développement de l'agriculture vivrière à l'heure de l'essor de la mondialisation. Cet utopiste qui rêvait des Etats-Unis d'Afrique. Cet inculte qui n'avait à ce point aucune notion des convenances qu'il avait fait remplacé les limousines présidentielles par des modèles bas-de-gamme et faisait voyager ses ministres en classe économique. Ce voleur qui prétendait que l'Afrique n'avait pas à payer la dette et exhortait les autre dirigeants africains à lui emboîter le pas. Tous les ans, en décembre, ils commémorent la mort de Norbert Zongo, journaliste opposant brûlé vif dans sa voiture pour avoir eu le mauvais goût d'enquêter d'un peu trop près sur le meutre du chauffeur de François Campaoré, frère cadet du président. Cela a eu lieu en 1998. Pour continuer les commémorations plus d'une décennie plus tard, il faut vraiment être rancunier et avoir la vengance dans le sang, non ? Cette soif de violence est telle qu'alors que Blaise Compaoré est en train de préparer à sa succession son frère François, augurant peut-être ainsi de 20 ans de paix supplémentaire, les burkinabés semblent dubitatifs. Il en est même parmi eux qui disent qu'ils ne le laisseront pas faire. Par les armes s'il le faut. Et même si les diatribes sont plus resignées que belliqueuses, on ne m'enlèvera pas de l'idée que les africains sont des sauvages.
Et si je dis les africains alors que je ne connais de l'Afrique que les burkinabés, c'est parce que c'est bien suffisant pour se forger une opinion générale. Car même si le continent africain est sans nul doute le plus riche en termes de variations géographiques, culturelles ou ethniques, on ne m'enlèvera pas de l'idée qu'un noir reste un noir.